Samedi 22 septembre 2018.
6h30 du matin.
Etang de St-Jean-Pla-de-Corts, Pyrénées Orientales.
Il fait nuit noire. 
Entouré d’une centaine d’énergumènes en combinaison de natation nous prenons le départ du Bearman.
 
Avant de partager ce récit de course, le Bearman, c’est quoi ? Il s’agit d’un triathlon longue distance. 3,8 km de natation, 180 kilomètres de vélo et pour finir un « petit » marathon. C’est plus souvent connu sous le nom d’Ironman. Avec Thibaut, on s’est frotté à ce format en 2017 sur l’Alpsman du côté d’Annecy. C’est un super souvenir et très belle course mais c’est surtout le genre d’épreuve où tu réfléchis un peu avant de t’inscrire car cela demande un minimum d’entraînement…
 
De l’autre côté du globe, l’idée d’un premier Ironman trotte déjà dans la tête de Thomas… Au détour d’une conversation sur Facebook, on partage ensemble quelques triathlons longues distances qui font rêver : Norseman, Celtman… Bearman. Je crois que c’était le coup de foudre pour Thomas : un Ironman dans ses Pyrénées Orientales (P.O. pour les intimes). Sans trop y réfléchir, nous voilà inscrit tous les trois. Un défi sportif entre potes, ça va être le pied !
 
On commence tranquillement à s’entraîner au mois de juin avec Thibaut. Bizarrement, on force un peu moins sur notre programme d’entraînement…On l’a fait une fois, on sait, enfin on espère, qu’on peut le refaire ! Cette course, on l’avait déjà remarquée l’année dernière quand on cherchait avec Thibaut notre premier Ironman. Il faut dire que le Bearman a tout pour plaire : c’est une course familiale, en petite comité et surtout en pleine nature dans un paysage qui semble magnifique. Le parcours envoie 4700 mètres de dénivelé positif pour la partie vélo et 1350m D+ du côté de la course à pied. Le tout en autonomie parce que c’était pas assez XXL jusqu’ici !!! Il faut donc prévoir ses ravitaillements et la logistique comme pour une mini expédition. Le genre de programme qui bizarrement nous donne envie. 
 
On retrouve Thomas et Ling du côté de Perpignan avant de mettre le cap sur Amélie-les-Bains. Il fait 30°C et la météo n’annonce pas moins chaud pour les prochains jours… On risque de mouiller le maillot ! On prend possession de notre studio et on s’occupe de finaliser la logistique : nourriture, organisation des ravitaillement, achat de chaussures de vélo pour Thomas (oui, des chaussures toutes neuves !), location de vélo, nettoyage pour le mien, retrait des dossards, briefing et surtout quelques bières pour bien s’hydrater avant la course ! Marlène et Bruno nous rejoignent vendredi pour former l’équipe des supporters avec Ling et Sylvia qui arrivera le samedi matin. C’est toujours un atout de taille d’avoir des supporters sur une course de ce type car c’est long et voir des gens qu’on connaît à différents endroits donne une bonne motivation pour continuer d’avancer ! Séquence remerciement à ceux qui ont fait le déplacement et tous les autres qui ont suivi et encouragé grâce au numérique !
La dernière nuit avant la course sera courte ou inexistante pour Tom qui ne dort pas très bien depuis quelques jours. On se lève à 4 heures du matin pour un dernier plein d’énergie à base de céréales, jus de fruit, café et ravioli ! Un régale au réveil quand le stress de la course te coupe l’appétit…
 
Après un petit trajet en voiture, on débarque sur le lieu du départ pour préparer notre aire de transition. L’ambiance d’un début de course est toujours étonnante avec un mélange d’excitation et d’appréhension. Les visages sont souvent fermés et beaucoup de personnes très concentrées, perdues dans leur monde intérieur ou aux toilettes ! Cette fois-ci, la natation se fait vraiment en pleine nuit à la lueur des étoiles et de la lune. Comme chaque départ de triathlon, c’est le chaos au début de la course le temps que chacun trouve son rythme et que la foule se disperse progressivement. Les bouées sont plutôt visibles et dès le premier virage, nous sommes plus espacés pour nager plus facilement. L’eau est plutôt chaude (23,5°C) et entre chaque respiration on peut apprécier le magnifique lever de soleil qui nous accompagne. il fait chaud dans cette combinaison ! Je demande plusieurs fois aux bénévoles en kayak et sur leur Paddle board si c’est bien 3 tours que nous devons faire car mon chrono m’étonne fortement… Je suis beaucoup trop rapide ! On me confirme qu’il n’y a que 3 tours. Je suis étonné mais je continue d’avancer avec quelques passages en brasse au niveau des bouées pour les virages. C’est aussi pour reprendre un peu mon souffle car je force un peu et j’ai déjà envie de vomir… Avec ce chrono, je me dis que je vais peut être pouvoir sortir avant Thibaut ce qui me motive encore plus pour avancer. Finalement, je sors de la nage en 57 minutes légèrement incrédule sur ce temps… Ma montre me conforte dans cette intuition lorsque je vois 3,2 kilomètres au lieu de 3,8 au compteur. Il faudra revoir le parcours pour l’année prochaine ! Evidemment, Thibaut est sorti en 54 minutes et nous prenons le temps de nous changer le temps pour Tom de finir à son tour son épreuve préférée : la nage 🙂 
Nous partons un peu avant 8h du parc à vélo tous les trois à la conquête des 180 kilomètres de vélo qui nous attendent. On peut désormais oublier la nage pour se concentrer sur les sensations du vélo. Le parcours s’annonce prometteur et le temps au beau fixe. Nous attaquons la première « bosse » bien motivés en rejoignant rapidement des petites routes de montagne dans l’arrière pays des P.O. Les sensations sont bonnes car les premières côtes ne sont pas trop raides et on peut se faire plaisir dans les descentes en restant malgré tout concentré car la route n’est pas en super état… Le paysage est à la hauteur de nos attentes, c’est un vrai régale. Oui, on fait un peu de tourisme au passage ! Après un court passage à notre premier ravitaillement, on repart pour la seconde « bosse » du parcours, la plus dure à priori. Après quelques kilomètres de plat on s’élance pour presque 30 kilomètres. Au programme de cette montée infernale, nous avons des murs qui nous attendent avec quelques passages à plus de 15% d’inclinaison… On attaque fort avec Thibaut que je ne lâche pas ! Les sensations sont aux rendez-vous et pour une fois j’arrive à tenir un bon rythme, il faut avancer. On a déjà perdu de vue Tom mais on ne veut pas casser notre allure. Tom nous rejoindra là-haut ! Il faut avancer. On s’en souviendra de cette montée sous une chaleur de plomb. Il fait tellement chaud que des filets de transpiration ininterrompu tombent de ma tête… Ca n’en finit plus mais on arrive à reprendre pas mal de coureurs avant d’atteindre enfin le point où nous devons faire demi-tour. On descend alors de nos montures pour se rafraîchir en attendant Tom.
 
De son côté, cela semble être un vrai combat contre lui même avec des cuisses qui crient à chaque coup de pédale. Notre chef souffre de crampes qui rendent la montée encore plus « appréciable ». Pendant ce temps, nos supporters nous ont rejoins et nous confirment qu’ils ont déjà vu Thomas en meilleure forme ! C’est finalement la voiture balais qui nous rejoint en haut de cette côte interminable et Tom a résisté à l’envie de s’arrêter pour cueillir les champignons ou pour simplement se jeter dans le fossé. Lorsqu’il nous rejoint, on devine qu’une lourde bataille s’est menée en regardant les traits de son visage. C’est la fin d’un premier combat et on a tous vaincus cette satanée montée. 

Quelques étirements et rafraîchissements plus tard, on remonte sur nos vélos pour se relancer dans la course. C’est une drôle de sensation d’avoir la voiture balai qui te rattrape régulièrement ! Tu as l’impression de vivre sur le fil du rasoir la course… On avance tant bien que mal en discutant pour que cela passe plus vite. Lorsque nous atteignons le dernier point de ravitaillement, les organisateurs nous mettent un peu la pression : « faut pas tarder les gars, vous êtes limites niveau chrono » ! On décide que pour cette dernière montée chacun avance à son rythme. On avisera en haut selon le chrono ! On part en tête avec Thomas rapidement rattrapé par Thibaut qui doit certainement avoir un moteur caché dans son vélo ! Je ne vois pas d’autres explications quand il me double à pleine balle dans la montée après 130 km de vélo !

Cette dernière bosse est vraiment dure et c’est une bonne heure de calvaire en solitaire avec des passages qui semblent toujours plus raides… C’est dur. Un groupe de supporter me donne presque envie de craquer quand ils m’encouragent dans le dernier virage ! Le demi-tour se fait à la frontière espagnole et Thibaut pousse même le vice à passer chez nos voisins. On décide alors de descendre directement pour voir où en est Thomas. Quand on le retrouve, on décide de redescendre tous ensemble pour tenir le chrono. Il manquera environ 4 km (entre 30 et 45 minutes) pour Tom mais il pourra tout de même se lancer dans la course à pied. La décision est difficile mais avait prévu le coup avec les organisateurs lors du dernier ravito ! Il nous restera un beau parcours en course à pied pour s’amuser en trio. On envoie comme des furies dans la descente. Les freins sifflent à la mort quand on atteint les 70 km/h et que les voitures n’arrivent pas à nous doubler. La fin du parcours est grisante avec essentiellement de la descente et quelques petites montées pour te rappeler que tu n’es pas là pour rigoler ! On arrive finalement à reprendre un concurrent avec Thibaut sur les deux derniers kilomètres du parcours ! Tom qui a plus de retenu dans les descentes nous rejoint juste après. Un vomi plus tard, ça c’est fait !

On peut enfin quitter nos vélos, se changer, retirer ces chaussures esthétiques, manger et boire ! 30 minutes plus tard, nous voilà tout neuf et prêt à en découdre pour la dernière étape de notre chemin de croix. On croise quelques jeunes clairvoyants à la sortie du gymnase qui nous lâchent un « ça va être long »… Sans déconner !?! Le jour tombe, il est 20h et on part pour un marathon nocturne… On commence directement les hostilités avec 11 km principalement de montée sur un parcours qui a l’air d’être magnifique. On avance à la lueur de la lune alternant la course et la marche quand ça monte. On atteint finalement le point de demi-tour pour attaquer notre descente vers Amélie-les-bains. Ca fait du bien de courir un peu et même si on n’avance pas bien vite, on arrive tout de même à reprendre 2 autres coureurs ! On n’est plus les derniers ! Finit la voiture balai qui nous colle aux fesses !

Nous voilà enfin de retour dans le centre ville qui commence à s’éteindre puisqu’il est déjà 23h… Tom qui suivait bien le rythme jusqu’à présent prend un gros coup au moral quand on comprend qu’on ne va finalement pas repasser par le gymnase tout de suite mais après une seconde boucle de 8 km. Ca pique car on pensait tous prendre une petite soupe et reprendre des forces avant d’attaquer le dernier défi de cette longue journée, la montée finale. On fait presque toute la boucle en marchant et on voit au fur et à mesure Tom s’enfoncer au fond de lui même. Il atteint ce moment redouté où ça ne devient plus drôle… Après un petit escalier surprise, Tom nous annonce qu’il ne fera pas la dernière bosse. Plus la force et l’envie de continuer ces conneries. Décision difficile mais le plaisir n’est plus là pour lui. Pas question de l’abandonné là, on termine tout de même cette boucle ensemble bras-dessus, bras dessous comme des ivrognes après une soirée bien arrosée ! De retour au gymnase, on confit notre champion australien à Bruno, notre dernier supporter réveillé ! Une dernière accolade avec Thomas qui a poussé l’effort jusqu’à 28 km de course à pied. Compte tenu de la quasi absence d’entraînement, respect l’ami !

On repart de plus belle avec Thibaut, bien décidé à en finir avec cette journée sans fin ! Cette dernière montée en pleine nature est vraiment un super moment dans le calme de la nuit profonde sur les sentiers forestiers perdus d’Amélie-Les-Bains ! On a l’impression d’avoir retrouver nos jambes et on double de nouveau Samuel, un concurrent avec qui on a sympathisé et croisé à plusieurs moment pendant cette course. Soudain, on aperçoit une frontale qui nous éclaire. C’est la fin de la montée ! Cela signifie qu’on en a terminé avec le dénivelé positif. Grand moment qui mérite une petit orange. Il nous reste désormais 7 km de descente avant pouvoir dire qu’on l’a fait ! Un peu comme juste avant le départ, c’est un drôle de sentiment entre la joie d’en finir et une sorte de mélancolie que ça s’arrête. C’est surtout la fatigue !! On avance bien et quand on voit un autre concurrent devant nous c’est l’hystérie, on accélère comme des gamins ! Ma montre indique du 12 km/h… Nous y voilà, on entre dans Amélie-Les-Bains dans l’indifférence total mais complètement  galvanisé par la vision de la ligne d’arrivée tant recherchée ! On arrive même à lancer un dernier sprint avant de franchir la ligne d’arrivée pour officiellement devenir des Bearmen, 20 heures et 9 minutes après le départ ! Bordel.

Merci encore à tous nos supporters et les organisateurs pour cette belle course ! Y’a plus qu’à trouver le prochain défi maintenant ^^

Crédits Photos : Bruno Foucher &  #BEARMANXTRI